Pourquoi choisir le thème de l'urbanité ?
Pourquoi choisir le thème de
l'urbanité pour la première exposition
d'architecture de la Biennale de Paris?
Jusqu'en 1971, la Biennale de Paris accueillait des
architectes ; au même titre que les artistes plasticiens. Par
ailleurs, elle était ouverte aux jeunes troupes de théâtre et
aux musiciens. Les architectes étaient sélectionnés comme
des artistes et exposés parmi eux ; ceci, en fonction des
propositions de correspondants étrangers se préoccupant
aussi bien de peinture que d'architecture. D'où une
représentation éclectique, peu nombreuse, de qualité très
inégale, sur les thèmes les plus variés. A de rares exceptions
près les architectes les plus marquants des années soixante
n'ont jamais malheureusement été invités.
En 1972 l'option fut prise de centrer la biennale sur les arts
plastiques qui étaient sa véritable spécificité, car, d'autres
manifestations musicales ou théâtrales bénéficiaient de
moyens beaucoup plus importants. Par ailleurs, il fut décidé
de ne plus accueillir d'architectes.
Si les « artistes »- peintres-sculpteurs-plasticiens sont
souvent conviés à des salons ou des manifestations
régulières, si les musiciens ou les troupes de théâtres ont
leurs festivals réguliers, les architectes, quant à eux ont peu
d'occasion de présenter leur travail autrement qu'en
construisant. II est souvent bien difficile de savoir le
pourquoi d'une réalisation de comprendre les intentions de
conception, de connaître les contraintes qui justifient telle
réponse. II est presque impossible, donc, de juger
l'architecture.
Cet état de fait a été cruellement ressenti depuis plusieurs
années. II fut question de la création d'un grand Festival
annuel d'Architecture ; il ne vit jamais le jour. II fut question
de grandes rencontres architecturales en France ; elles se
sont faites ailleurs. II fut question, il y a plusieurs années,
d'une véritable section d'architecture à la biennale ; c'est
aujourd'hui chose faite. Dans un climat plus favorable à
l'expression du fait architectural : campagne des 1000 jours
pour l'architecture. Nous espérons toutefois, au-delà de cet
aspect conjoncturel, que c'est bien une manifestation
biennale qui vient de voir le jour, et qu'il s'agit d'une prise
de conscience durable de la nécessité de parler ouvertement
d'architecture - ainsi que peut le laisser penser la création
de l'Institut Français d'Architecture qui aura pour vocation de
favoriser rencontres et manifestations.
S'il est important de créer une biennale d'architecture, il est
essentiel de la resituer dans un contexte plus large, qui
favorise la rencontre entre artistes-plasticiens et architectes,
qui permette de comparer leurs préoccupations. leurs
sensibilités, leurs axes de recherche, qui incite à se faire une
opinion sur leur compatibilité, leur complémentarité ou
leur... discordance. II faut dire que, depuis le cri d'Adolf
Loos (« l'ornement est crime ») il s'est passé beaucoup de
choses chez les architectes et que si ces derniers ont eu
tendance avec le mouvement moderne, au nom de la pureté,
à refuser ou à limiter « l'apport extérieur » à leur oeuvre, tout
est aujourd'hui remis en question et, dans les théories du
jour, l'éclectisme est souvent radical, les formes les plus
diverses cohabitent, le monument est réhabilité et, il se
pourrait fort bien que, très vite, les architectes appellent les
artistes à la rescousse pour autre chose qu'un mur peint ou
qu'une sculpture au milieu d'une cour (tristes caricatures de
l'intervention du plasticien, ces dernières années, dans le
cadre des opérations dites « du 1% »).
Cette rencontre architectes-artistes, cette lecture simultanée
par le public de leur travail est de nature à les faire sortir de
leurs ghettos culturels respectifs.
Créer la rencontre, la confrontation entre de jeunes créateurs,
a toujours été l'esprit de la Biennale de Paris, et sa nouvelle
section d'architecture a voulu y rester fidèle :
. elle est réservée aux jeunes architectes de moins de 40
ans (la limite d'âge est de 35 ans pour les
artistes-plasticiens). Mais, l'architecture implique de longues études et, généralement un apprentissage de plusieurs
années sous forme de stages chez les architectes qui
construisent ; d'où la nécessité d'une limite d'âge plus élevée.
. elle se veut un lieu de confrontation non seulement entre
les différents pays, mais aussi entre les différents courants
de pensée contemporaine. En ce sens, elle est ouverte et a la
volonté de se situer au-delà des chapelles et des trop
nombreuses querelles d'école qui caractérisent le milieu
architectural. La section architecture s'est constituée sur un
modèle déjà éprouvé par les précédentes biennales :
responsabilisation d'une commission internationale (1) qui
détermine le thème, les orientations principales, et, qui
sélectionne à partir de propositions formulées par des
correspondants étrangers (ces correspondants sont
spécifiques et distincts des correspondants arts-plastiques).
Le thème retenu pour cette première biennale architecture est
celui de l'Urbanité : le savoir-faire la ville, le savoir-vivre la
ville. Ce sujet est une préoccupation générale et intéresse, au-delà
des architectes, tous ceux qui vivent la ville. C'est un sujet
politique au sens initial du terme. Chacun est à même de comprendre les solutions proposées, à même de juger l'environnement urbain qu'il souhaiterait
sien.
Le choix de l'urbanité pour thème de réflexion signifie
clairement la volonté de sortir l'architecture du seul discours
hermétique des spécialistes.
La confrontation d'idées, de propositions, est ainsi élargie à manifestation biennale d'architecture est l'occasion, pour
une problématique commune à tous. En ce sens, une chacun d'entre nous, d'une interrogation sur l'avenir de la
attention particulière a été portée à la lisibilité et à la facile ville.
compréhension des documents exposés.
Donnant lieu à de nombreuses manifestations annexes
(débats organisés avec l'association Architecture et
Construction, films, rencontres et expositions dans les
centres culturels belges, canadiens, italiens...) cette première
(1) elle est composée de Luciana Miotto, Jean Dethier, Damien
Hambye, Jean Nouvel. Elle a fonctionné en étroite liaison avec François Barré,
Conseil en architecture auprès de Georges Boudaille, délégué général de la
Biennale de Paris.
Jean Nouvel